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La présidentielle des petits candidats: Stéphane Guyot l’oublié du scrutin

La présidentielle des petits candidats: Stéphane Guyot l’oublié du scrutin

Il ne fait même pas partie du comptage des parrainages mis en place par Le Monde. Preuve que tous les candidats ne se valent pas.

Samedi 14 janvier 2017. Gare du Nord. Nous montons à bord du train qui va à Coutances (Normandie). Dans un wagon, un homme montre ses photos de vacances à une amie.

Une scène typique. Personne ne fait particulièrement attention à eux. Puis un jeune d’une vingtaine d’années s’arrête et s’assoit à côté de l’homme.

Il ne semble pas le reconnaître. Pourtant il vient de s’asseoir à côté d’un candidat à la présidentielle. Il s’appelle Stéphane Guyot. Vous ne le connaissez sans doute pas non plus.

Un illustre inconnu candidat à la présidentielle

Malgré ses traits fatigués, Stéphane Guyot dégage une certaine sympathie. Il a le sourire facile. C’est sans doute pour cela qu’il a été désigné comme le visage du Parti du Vote Blanc.

Il fait partie de ce que les médias appellent « les petits candidats ». Un titre qui lui a été donné dû au manque de médiatisation dont il fait l’objet. Et ce n’est pas faute d’en réclamer.

Stéphane Guyot n’est pas fan de la starisation de la vie politique. Lui-même est assez hésitant lorsqu’il s’agit de parler de lui. Il préfère parler de sa cause. La reconnaissance du vote blanc.

Et durant toute la journée, il ne va pas s’arrêter. Une première fois dans le train alors qu’on le harcèle de questions sur son parti et sa candidature à la présidentielle. Au déjeuner, avec des militants de la société civile qui s’intéressent de près à sa candidature.

Devant les trois journalistes convoqués à une conférence de presse en début d’après-midi. Et enfin devant les deux personnes venues assister à la réunion publique organisée. Cet exercice n’est pas le plus simple. Surtout pour ce quadragénaire qui a débuté en politique au début des années 2000.

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Un parcours atypique ? Pas tant que ça

Il aurait pu rester fleuriste toute sa vie. Plus jeune, il ne s’intéresse pas particulièrement à la politique. Mais Stéphane Guyot se dit politisé. En réalité, ce qu’il entend dire c’est informé. Dans sa famille on suit l’actualité, on la commente.

Aujourd’hui encore, Stéphane Guyot suit l’actualité, de très près. Il ne se retrouve pas forcément dans les programmes proposés. Mais le 21 avril 2002, il a pris une douche froide.

Jean-Marie Le Pen face à Jacques Chirac, la gauche est prise en otage.

« Les Français devraient avoir le choix. »

Le vote contre ce n’est pas exactement l’idée que se fait Stéphane Guyot de la démocratie. Pour protester, il vote blanc. Mais en France, le vote blanc n’est pas pris en compte.

Lui qui n’a jamais vraiment eu l’âme d’un leader se lance donc dans une bataille pour la reconnaissance du vote blanc. Contre son gré, il va même devenir le visage de cette bataille.

Il met de côté son activité professionnelle et se met en campagne. En 2012, il ne récolte pas le nombre de parrainages suffisants pour se présenter à la présidentielle. Cette année, il compte bien réussir son pari. Et porter la voix des déçus de la politique sur le devant de la scène.

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Il revendique déjà plusieurs promesses de parrainages. Cependant l’opération séduction est compliquée. Le petit candidat dénonce la pression des grands.

Trouver des parrainages, pas toujours facile

Les règles de parrainage ont changé. Pour Stéphane Guyot il n’y a aucun doute que ce nouveau système soi-disant transparent veut surtout intimider les élus.

S’il ne récupère pas tous les parrainages, Stéphane Guyot est bien décidé à passer le flambeau. Il aspire à retrouver sa vie d’avant. Auprès de sa famille.

Stéphane Guyot évoque, les yeux brillants, le peu de temps qu’il passe avec ses enfants. Son cadet lui a déjà fait le reproche.

« Une fois il m’a dit que ça le faisait chier » raconte-t-il avec attendrissement.

Financièrement aussi ce n’est pas facile. Stéphane Guyot s’est déclaré auto-entrepreneur et travaille ponctuellement pour sa soeur qui dirige la fleuristerie.

« On n’a pas beaucoup de dons. La campagne me coûte même un peu d’argent. »

Le travail de fournisseur qu’il effectue pour sa soeur lui permet d’arrondir les fins de mois. Mais le parti n’a pas encore les moyens de mener une campagne digne des plus grands meetings de Jean-Luc Mélenchon. Ils cherchent régulièrement des personnes pour s’occuper de leurs réseaux sociaux bénévolement.

Consacré sa vie à une campagne, c’est éprouvant

Mais son visage est tiré. Il a des poches sous les yeux. Clairement la campagne l’éreinte.

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Il n’en dit pas un mot pourtant. C’est presque du bout des lèvres qu’il évoque sa longue semaine avec sa collègue, Dominique, en charge de la communication de sa campagne.

Il reste même éveillé pendant les trois heures de train qui l’emmènent en Normandie. Pendant trois heures, tôt un samedi matin, il répond à toutes nos questions avec entrain et enthousiasme.

Par exemple : que lit un candidat à la présidentielle ? Stéphane Guyot, en citoyen ultra-informé se rabat plutôt sur les écrits des journalistes, penseurs et philosophes d’aujourd’hui.

Il nous cite ainsi plusieurs livres qu’il a récemment lus et nous en délivre une analyse. De ses lectures, Stéphane Guyot tire une leçon sur l’Etat de la France. Mais il apprend aussi beaucoup sur le terrain, au contact des Français.

D’abord dans sa boutique de fleurs, Stéphane Guyot a pris l’habitude de discuter politique avec les clients. Et puis quand il se déplace en région à la rencontre de ses militants.

Le Parti Blanc en effet, c’est un petit parti. Mais il connaît un succès certains auprès des électeurs fatigués de ne pas être entendus et des militants de la société civile.

Une campagne aux allures de café du troquet

Ceux que l’on rencontre ce samedi font partie de la deuxième catégorie. Ils sont une petite dizaine à attendre Stéphane Guyot dans une petite crêperie de Coutances. Pendant le repas, le candidat à la présidentielle répond à leurs questions et écoute leurs doléances.

Ce petit groupe est très engagé localement. Pendant plusieurs mois ils ont soutenu le mouvement de Nuit Debout. Ils s’étaient même engagé un soutenir une candidate issue de ce mouvement. Mais elle a disparu des radars. Et eux voulaient absolument soutenir le candidat d’un mouvement anti-système.

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Leur choix s’est donc porté sur ce citoyen engagé qui veut faire reconnaître le vote blanc. Ce jour-là c’est la première fois qu’ils le rencontrent et ils ont tout naturellement beaucoup de questions à lui poser.

Ils sont tous déjà perplexes à l’idée qu’un candidat défende le vote blanc à la présidentielle. Stéphane Guyot n’a pas d’autre programme. Que se passe-t-il s’il est élu le 5 mai prochain ?

Stéphane Guyot n’a pas l’intention d’être président. S’il est élu il compte démissionner et laisser sa place au président du Sénat, comme le prévoit la Constitution. Ce qui pourrait engendrer l’écriture d’une nouvelle Constitution conduisant ensuite à une nouvelle élection. Avec l’espoir que la classe politique renouvelle son programme à proposer aux Français.

En même temps Stéphane Guyot ne se fait pas d’illusion. Il nous confie que ses chances d’obtenir ses parrainages sont minces. Celles de gagner la présidentielle encore plus.

« Je ne me prend pas au sérieux », dit ce candidat qui s’identifie à Coluche. Le plus célèbre humoriste français qui avait sans doute fait ce qu’on aurait pu appeler le buzz pour sa candidature à la présidentielle en 1981. Mais pour Stéphane Guyot la ressemblance s’arrête à la défense de la classe ouvrière.

Cela ne l’empêche pas de travailler dur pour faire parler de sa cause

Ses nouveaux militants aussi. Ils ont réussi à organiser une conférence de presse avec les plus grands quotidiens locaux. Suivie immédiatement d’une réunion publique qui connaît un plus petit succès. Deux-trois personnes du coin ont été intrigués par les affiches et ont fait le déplacement.

En petit comité, Stéphane Guyot est beaucoup plus à l’aise que face à la presse et ses questions impertinentes. Il discute, débat, convainc. Ce qu’on remarque quand on l’écoute, c’est qu’il laisse souvent la parole à ses débatteurs.

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Quitte même parfois à leur donner raison. Stéphane Guyot ne tente jamais de s’imposer dans la discussion. D’ailleurs, au début de sa présentation il reste debout.

Dans cette petite salle communale réservée par son groupe de militants, il n’a pas l’air à sa place. Gêné dans sa chemise trop grande, il finit par s’asseoir après le départ des journalistes pour entrer dans un mode de discussion semblable au déjeuner.

Au final, cette journée, c’est un éternel recommencement pour Stéphane Guyot. Par quatre fois il aura été obligé de présenter son projet. Par quatre fois on lui a fait les mêmes remarques.

A aucun moment Stéphane Guyot ne s’est départi de son sourire.

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