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Dans la tête du tueur en série

Jeudi 4 avril, un nouveau débat était organisé par Stéphane Bourgoin, entouré d’experts, journalistes et spécialistes de la criminologie, pour tenter de sonder l’esprit des tueurs en série

Entouré de quatre experts du crime en série, Stéphane Bourgoin animait, jeudi dernier, un nouveau débat riche en révélations, après celui sur l’enfance des criminels. Agnès Grossmann, qui a participé à de nombreux reportages pour Faites entrer l’accusé, était là pour partager son expérience. Barbara Sarbourg, docteur en psychologie spécialisée en criminologie, a livré sa vision du tueur en série. Daniel Zagury, expert psychiatre, a expertisé Guy Georges et Michel Fourniret. On le surnomme « le psychiatre de l’horreur ». Enfin, le colonel Joël Vaillant a dirigé de nombreuses enquêtes commises par des tueurs en série tels que Francis Heaulme, Michel Fourniret et surtout celle des « disparus de Mourmelon ».

On ne naît pas tueur en série, on le devient

Stéphane Bourgoin est formel, sur les 75 tueurs en série qu’il a rencontrés, il n’y en a pas deux qui soient identiques. Cependant, tous ont connu une cassure dans l’enfance. Sévices, abandons, carences, maltraitances… Les meurtriers ont rarement grandi dans un univers chaleureux. Et pour l’expert psychiatre, Daniel Zagury, la répétition des crimes, c’est un traumatisme à l’envers.

Leur point commun, outre une enfance délabrée ? La déshumanisation de l’autre. L’envie de faire souffrir. Et surtout, devenir l’égal de Dieu en tenant la vie de la victime entre ses mains. Le tueur en série n’est pas fou. Il a conscience que ce qu’il fait est mal, et cherche à cacher ses activités macabres. Pour Barbara Sarbourg, ces tueurs sont comparables à Dracula ou Frankenstein, car ils n’ont pas d’âme. Dénués de tout sentiment devant de la souffrance de l’autre (définition du psychopathe), ils n’ont aucune empathie et peuvent ainsi tuer froidement, sans le moindre remord.

L’apparition de « webkillers » avec le cas de Luka Rocco Magnotta a changé la donne. Le tueur 2.0 n’a plus besoin des médias pour se faire connaître, il peut lui-même faire la promotion de ses crimes sur la Toile. Mais contrairement au mythe qui colle à la peau de ces tueurs, ces derniers ne sont pas dotés d’une intelligence supérieure. Si certains, comme Ed Kemper, possèdent un QI supérieur à la moyenne, la plupart sont avant tout très malins, comme l’explique Daniel Zagury : On confond la ruse de Heaulme avec de l’intelligence. On se dit que le diable ne peut pas être bête… Et Hannibal Lecter a forgé cette idée.

Les serial killers sont surtout de véritables manipulateurs, capables d’entremêler des affaires pour semer le trouble dans l’esprit des enquêteurs. Selon Daniel Zagury, qui a examiné une quinzaine de tueurs en série français, on observe une vraie différence entre les Américains et les Français. Les paramètres culturels jouent un rôle dans le crime en série. Les tueurs américains sont davantage dans la mise en scène de leurs crimes. Mais chez les Français aussi, la signature de leur rituel est une sorte de jeu avec les forces de l’ordre. Comme en peinture, on sait ce qu’a voulu dire l’artiste…, estime Joël Vaillant.

L’envie de comprendre l’incompréhensible

Stéphane Bourgoin révèle que le public des émissions sur le crime est composé, à 72%, de femmes (sondage réalisé par Planète Justice). Une réalité logique, finalement. Soucieuses de se protéger contre les psychopathes, les femmes cherchent à savoir comment mieux s’en prémunir. Agnès Grossmann, qui a participé à Faites entrer l’accusé, estime que l’idée n’est pas de faire peur aux gens mais montrer à quel point chaque crime pose une problématique humaine à laquelle la justice doit répondre. Chaque potentielle victime veut prendre ses précautions.

Et les inquiétantes statistiques livrées à la fin du débat ne sont pas pour nous rassurer : sur les 8255 meurtres commis ces dix dernières années en France, 7700 ont été élucidés, mais 1248 demeurent non élucidés… Soit 1248 meurtriers qui courent toujours dans la nature.

Lauren Clerc

Photos CC @Lauren Clerc
Capture d’écran d’Hannibal Lecter dans le film « Le Silence des Agneaux »

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