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« Mur des cons », mur de la honte ?

Notre soif de justice est aussi ardente que notre aversion pour l’injustice. Nous en venons à rêver d’une justice idéale rendue par des juges quasiment désincarnés

L’incident du fameux mur nous ramène à la réalité. Le juge est un être semblable à chacun de nous. Certes, on attend de lui plus de qualités qu’on en exige d’un avocat : il doit être humain et humble puisqu’il n’est qu’une personne en jugeant une autre. Il est indépendant de tout : argent, pouvoir, opinion publique. Il est indépendant aussi de ses propres préjugés et de son système de valeurs pour n’être soumis qu’à la loi. Il doit l’appliquer non pas dans toute sa rigueur mais en relation avec des faits souvent complexes et des individus ayant leur histoire propre, leur part d’ombre et de lumière, leur détermination à mal faire comme les faiblesses qui les excusent.

L’expérience de quarante années d’exercice m’a révélé que les juges dans leur immense majorité cherchent à faire le mieux possible leur métier, sans passion ni parti pris. L’hommage que je leur rends est aussi sincère que le sont mes emportements.

Dans la regrettable affaire qui agite le monde judiciaire, il nous appartient à notre tour de juger avec tempérance.

Je compatis à la douleur ressentie par ceux qui se sont ainsi découverts stigmatisés, même si je n’ai pas eu moi-même l’honneur de figurer sur ce placard. Mais je préfère y voir davantage une plaisanterie de mauvais goût qu’une disqualification de la magistrature, ou du moins de sa part affiliée au syndicat SM.

Que dans le secret d’un bureau fermé, deux ou trois magistrats, en dehors de la fonction qu’ils servent, vilipendent un collègue, un avocat, un politique ou un justiciable, ne les rend pas indignes à jamais d’exercer leur métier. Je veux croire que, d’eux-mêmes, se sachant prévenus contre tel ou tel, ils s’abstiendraient de siéger pour le juger si le hasard les mettait en présence.

Ce qui est mal, c’est d’avoir laissé accessible à des passants ce qui n’aurait dû être qu’une plaisanterie entre soi. Cette semi-publicité donnée au mur constitue indiscutablement une faute contre la délicatesse. L’admettre est le premier pas nécessaire pour restaurer la confiance.

Reste l’information la plus ahurissante : l’annonce de poursuites disciplinaires contre le journaliste soupçonné d’avoir, sans effraction d’aucune sorte, filmé sur place le panneau qui fait scandale. Au nom de la liberté syndicale, les magistrats-potaches refusent toute critique. Mais c’est le journaliste dont on foule aux pieds la liberté d’expression et le devoir d’information qui se trouve cloué au pilori. On se rappelle la chanson de Guy Béart sur le malheureux qui avait dit la vérité ou le merveilleux conte d’Andersen sur les habits neufs de l’Empereur ! …/…

Mesdames et Messieurs du SM, nous ne demandons qu’à vous croire de bonne foi : insurgez-vous contre les poursuites dont Clément Weill-Raynal est menacé pour avoir filmé votre mur.

Il faut savoir raison garder.

Christian Charrière-Bournazel

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