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Eddy de Pretto méritait-il vraiment de repartir bredouille des Victoires de la musique ?

Eddy de Pretto méritait-il vraiment de repartir bredouille des Victoires de la musique grande

Eddy de Pretto, la sensation musicale n’a hélas remporté aucun trophée, à notre plus grand étonnement. Règlement de compte !

Il était le grand favori de la dernière cérémonie des Victoires de la musique. Pas de bol : le blondinet est finalement reparti bredouille. Eddy de Pretto, sensation de la scène musicale française 2018, était pourtant nommé dans deux catégories. À savoir, « Album de Musique urbaines » et « Artiste masculin ». Deux prix trustés par le duo Big Flo et Oli, forts du succès de leur album La vie de rêve. Rien que de faire partie de la sélection est déjà une jolie consécration diront certains. Mais forcément, le jeune homme en voulait bien plus. Et n’a pas caché son amertume, notamment au micro de Cauet sur NRJ. « Tu te dis ‘merde’. Tu te dis ‘putain’. Ca rend un petit plus heureux de recevoir un trophée »avait confié en toute sincérité l’intéressé. Pourtant, et en toute objectivité (quoi que), Eddy de Pretto méritait largement l’un des trophées – voire les deux. Explications.

Eddy de Pretto courbe l’échine face à Big Flo et Oli

Cadrons les choses d’entrée : pas un instant, nous ne reviendrons sur la victoire des frangins Big Flo et Oli. Qu’on aime ou pas le style très accessible du binôme, force est de reconnaître que leur dur labeur porte ses fruits. Leur poésie, leur sens du rythme, leur générosité… Tant de facteurs qui font que c’est avec plaisir et bienveillance qu’on applaudit leur succès. C’est peut-être ce qui a manqué à Eddy de Pretto. Ce côté « star des cours de récrés ». Accessible, familial. Car le chanteur de 25 ans est unique en son genre, moins lisse et commercial.

Ses références parlent pour lui. D’un côté, des rocs de la variété au firmament de la poésie. Dès lors, comment ne pas citer Brel ou Brassens, avec qui on ne cesse de lui prêter des affinités ? La diction lourde et mâchée, le pathos à son paroxysme. Pas de doute : le gamin semble leur fils caché, et il leur rend bien. Si bien qu’on croirait revenir à une autre époque, bien que récemment ressuscité par le Belge Stromae.

Eddy de Pretto, un artiste engagé

Mais ses influences ne s’arrêtent pas là. D’un autre côté, la crème du rap urbain, de Booba à Sinik. À ces artistes plein de testostérones, il emprunte le ton belliqueux. Les saillies tranchantes comme des lames de rasoir. Mais pas la virilité exacerbée – bien au contraire. C’est que le petit blond est gay et ne s’en cache pas. Sans vouloir jouer le porte-étendard de la communauté LGBT+, Eddy de Pretto assume et prône avec fierté sa préférence pour les hommes.

Dans Jimmy, l’un des titres de son album Cure, il détaille son addiction pour un gigolo. Sans prendre de gant « J’étais tout excité par ce paquet épais/ Pour quelques d’billets d’près, t’en as toujours assez » . Autobiographique ou pas, la chanson est sans filtre et ne craint pas de choquer la pudibonde ménagère (coucou Christine Boutin). Une audace qui détonne d’autant plus dans le rap, milieu hélas toujours aussi homophobe. Une démarche qui n’est pas sans rappeler Frank Ocean, rappeur américain tout aussi fier de son orientation.

Mais son homosexualité n’est pas la seule thématique de sa première galette. La drogue, ses parents, les fêtes, le concept même de genre et de masculinité… Dans l’un de ses plus gros succès, Kid, l’homme au teint diaphane revient avec brio sur l’obsession malsaine de notre société pour la « virilité abusive ». Un homme ne doit pas pleurer, travailler, butiner de filles en filles… Des carcans nauséabonds sur lesquels, disons-le clairement, Eddy de Pretto urine – et on en le remercie !

Eddy de Pretto, mauvais perdant ou bon joueur ?

Son engagement et son parler cru ont, forcément, tapé dans l’œil des médias. Qui l’ont très vite érigé au rang de phénomène, chouchou des arts indés. Plateau de télévision, couvertures de magazines… Eddy de Pretto et sa dégaine venue d’ailleurs furent, en seulement quelques mois, partout, tout le temps. Une omniprésence qui a peut-être joué en sa défaveur lors des fameuses Victoires de la musique donc. Mais au fond qu’importe : avec ou sans statuette bling-bling, l’avenir de l’homme à frange est tout tracé. Son agenda est déjà bien rempli, entre concerts et festivals ici et là.

Et comme il l’a lui-même dit avec toute l’ironie qui est la sienne, toujours dans les studios de NRJ « Toute façon je n’avais pas de discours donc c’était ok. J’avais rien à dire. » Certains crieront à la mauvaise foi. Ou à une nonchalance exagérée. Nous, on parie juste sur l’art de la répartie.

Mélissa Chevreuil

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