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Booba, Jul, Damso: le rap français est-il vraiment sexiste ?

Booba, Jul, Damso: le rap français est-il vraiment sexiste ?

Booba, Jul, Damso: le rap est-il le symbole ultime de la misogynie et du sexisme ? Analyse d’un genre qui plait et agace à la fois.

Violence des mots, violence des flows… et quand les plumes s’envolent, le rap dérape. Pourquoi ce genre musical porté par de grands artistes comme Jul, Booba et Damso est-il souvent accusé de sexisme ? MCE TV vous répond.

Booba, Jul, Damso: entre l’art et le sexisme

Historiquement, la femme a toujours été reléguée au rôle de femme au foyer, de mère et de parfaite ménagère. Son corps est souvent associé à la sensualité et la sexualité.

Et ce, même bien avant l’arrivée de la télévision. Il n’y qu’à regarder les musées d’art ancien pour découvrir plus de corps féminins dénudés que d’artistes féminines exposées.

Cette image sexualisée de la femme on va la retrouver dans différents domaines. De la peinture au cinéma en passant par la photographie, les plans fesses en veux-tu en voilà !

La femme et son corps incarnent toute une mythologie de fantasmes et d’interdits. Les artistes l’imaginent dans tous ses états et lui donne différents statuts.

Cette muse incontestée est une déesse, une vierge ou une femme séduisante. Jusqu’à en devenir une diva, une prostituée ou une michto… Dans l’art, la femme ne semble avoir que deux options, soit être la « muse » soit le « sujet ».

Le monde musical ne fera pas d’exception. Dans cette misogynie ambiante, le rap est loin d’être le seul à maltraiter la femme. Mais il n’en reste pas moins le coupable idéal.

Comment des piliers du rap game comme Booba, Jul et Damso ont-ils contribué à ce sexisme généralisé ? S’ils ont le profil des suspects idéaux, qu’en est-il vraiment ? On vous dit tout.

Jul n’est pas tout blanc

Dans le lot de grands rappeurs de renom, auprès de Booba et Damso on retrouve le jeune artiste Jul. Face à ses deux acolytes fraçais et belge, le jeune marseillais est innocent comme une colombe.

Aujourd’hui, Jul est bien loin d’être un rappeur à problèmes. Il est en effet très rare, voire impossible, de le retrouver dans des scandales ou au cœur de polémiques sexistes.

Dans la plupart de ses morceaux, le jeune marseillais porte le rôle d’ambianceur en imposant une patte musicale festive. Mais surprend tout de même ses fans avec des titres aux paroles plus touchantes.

C’est cette diversité qui fait qu’aujourd’hui encore, il profite d’une popularité toujours grandissante. Mais attention, il traine tout de même quelques casseroles.

On se rappelle en effet de son morceau Sors le cross volé et ses paroles bien choquantes. Celui qu’on surnomme l’Ovni chante sans gêne « Te déshabille pas, je vais te violer ». Une incitation au viol on ne peut plus clair qui sera répétée par un grand nombre de jeunes dans les cours de lycées.

Mais ce morceau qui l’a sorti de l’ombre n’est pas représentatif de ce qu’est devenu le rappeur aujourd’hui. Serait-il un sexiste repenti ? En tout cas, il ne le laisse plus paraitre dans ses textes.

Le jeune artiste offre plutôt des morceaux aux paroles simplistes et esquive avec succès les polémiques. Et c’est déjà un bon début.

Booba, Jul, Damso: le rap français est-il vraiment sexiste ?

Booba, sexisme 5 étoiles ?

Parler de rap sans citer Booba est impensable. Malheureusement, évoquer la misogynie dans ce genre musical à succès sans le mentionner non plus.

Autant ne pas se voiler la face et le dire tout de suite, les paroles de Booba transpirent le sexisme. Il y en a tellement qu’on ne sait pas trop par où commencer.

Dés le début de sa carrière, celui qu’on appelle le Duc de Boulogne s’impose avec son style trash. Le jeune artiste maitrise l’art de manier les mots en déballant un flow captivant.

Sur ses rythmes entraînants, on n’en oublie parfois la violence de ses paroles. Les fans s’ambiancent sur des morceaux où il balance « Je vais rentrer au pays marier quatre grognasses qui m’obéissent ».

Booba rabaisse aussi la femme à son rôle de bonne ménagère dans son titre Killer. « Ferme un peu ta gueule, vas me faire un steak frite. » chante le rappeur.

Et quand elle n’est pas dans la cuisine, elle sert à assouvir ses besoins sexuels. Comme dans B2oba où il dit tout simplement « Suce-moi dans ma Lambo sans faire de tache ».

Mais le jeune rappeur français a toujours nié les accusations de sexisme. Il se défend en disant qu’il ne vise que certaines catégories de femmes. Sa défense est aussi solide et lunaire que celle de Pierre-Jean Chalençon dans l’affaire des dîners clandestins !

Mais le rappeur a évolué avec son temps. Et il faut avouer que les allusions sexistes se font plus rares, mais n’ont tout de même disparu.

Un misogyne apprécié des femmes ?

Booba est le reflet d’un discours misogyne décomplexé, assumé et ancré dans la culture du rap. Mais celui qui chante « on va te casser le dos pas te marier », qui veut clairement dire que la jeune femme est bonne pour une relation sexuelle, mais jamais plus, est tout de même apprécié de certaines.

Eh oui, on peut être une femme féministe et aimer les morceaux de Booba. Incroyable mais vrai. En 2016, Marie Debray publie son livre « Ma chatte, lettre à Booba ».

Son titre choc cache un superbe récit poétique, bourré de citations et de références. Celui qui sort des clips saturés de femmes-objets où la dominance masculine est débordante a trouvé une alliée de taille.

Pourquoi ? Parce qu’elle a su voir au-delà de ce sexisme vendeur. « Les sons m’ont enivrée. Leur lourdeur, leur énergie, c’est comme de la drogue. Et puis, il y avait les paroles » explique la jeune autrice.

C’est en effet la qualité des textes et son caractère revendicatif qui ont inspiré Marie Debray. « J’ai mis du temps à comprendre les paroles, puis à avoir toute une idée sur son monde : la banlieue, les colonies… C’est comme si j’avais fait une thèse. » précise-t-elle.

N’est-ce donc pas là le secret du succès de celui qu’on surnomme Kopp ? Narrer avec insolence la réussite d’un banlieusard franco-sénégalais qui s’est construit tout seul, tout en ajoutant la bonne dose de sexisme requis dans le rap game. Il a en tout cas relevé le défi avec brio. Comme en témoigne son incroyable carrière.

Après Booba, Damso

Damso sort de l’ombre en 2015 grâce au morceau Poséidon, qui apparait dans la mixtape OKLM de Booba. Suite à cela, il rejoint le label 92i du Duc de Boulogne.

Booba et son protégé collaborent sur le morceau Pinocchio avec le rappeur Gato. Le jeune belge se fait remarquer par le grand public grâce à son couplet dans le titre. Notamment par sa punchline cinglante sur la chanteuse Shy’m.

« T’es passée partout comme la chatte de Shy’m. Je ne sais pas si c’est vrai, mais je la b**serais au calme. » chante le jeune artiste. 3 ans après la sortie du morceau, la jeune chanteuse a alors répondu au rappeur, en musique bien sûr. « Tu veux mon cul ? Va faire la queue derrière Damso » réplique alors Shy’m avec une réponse claire et pleine d’humour.

Le rap de Damso est souvent décrit comme sale, sombre, dur et violent. Il aime dire les choses de manière très crue. Ce qui n’est pas sans conséquences.

En 2018, des associations féministes accusent le rappeur de sexisme. Ses paroles font donc de lui le diable incarné aux yeux des activistes. L’artiste s’est alors défendu dans une interview accordée au Parisien.

« Quand je parle de femmes, ce sont mes histoires personnelles, jamais je ne fais de généralités. » déclare le rappeur belge. Avant de préciser : « Si on ne connaît pas mon univers, on n’est pas légitime pour le juger ». C’est d’ailleurs bien là le problème à ses yeux. Le fait qu’on le juge sans vraiment le connaître.

Un féministe dans le corps d’un sexiste ?

C’est le morceau Macarena sorti en 2017, qui a mis le jeune protégé de Booba dans la case des artistes misogynes. « Devrais-je mentir sur mes propres histoires pour être le gendre idéal ? » se demande alors le jeune artiste.

Encore une fois, il précise que ses textes ne sont que le récit de sa vie et de ses propres expériences. Il explique d’ailleurs que ce n’est pas le morceau en lui-même qui a fait polémique, mais l’image de la femme qu’il véhiculerait.

« C’est pas le son qui a fait polémique. C’est l’idée de l’artiste, soi-disant ma vision des femmes. Mais on ne m’a jamais demandé ce que je pense de la femme. » confie-t-il aux journalistes de Libération. Depuis la polémique, Damso a su rebondir.

Ce qui nous a toujours fasciné dans ce jeune artiste belge, c’est le pouvoir qu’il a de voir en une situation aussi délicate que celle-ci l’opportunité de devenir un homme meilleur. Damso explique en effet qu’il s’est remis en question après tout ce scandale.

Il confie alors avoir acheté des bouquins sur le féminisme écrit par des femmes. Des lectures qui semblent lui avoir ouvert les yeux et beaucoup inspiré pour la suite.

Avec beaucoup de maturité, il en arrive à la conclusion que le féminisme n’était pas qu’un combat pour les femmes, mais pour l’humanité. « Une femme qui se sent bien, c’est un monde qui se sent mieux » conclut-il avec beaucoup de sagesse. Et c’est aussi sur ces belles paroles qu’on décide de clore le sujet.

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