Culture
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Angèle: ou quand la pop devient si irrésistible qu’elle séduit même le rap

Du haut de ses 22 ans, la chanteuse belge Angèle séduit autant les amateurs de rap que de pop. Décryptage du nouveau phénomène musical de 2018 !

« J’ai vu qu’le rap est à la mode/Et qu’il marche mieux quand il est sale/Bah faudrait p’t’être casser les codes/Une fille qui l’ouvre ça serait normal. » La chanteuse Angèle Van Laeken ne croyait pas si bien dire avec ces quelques vers dans « Balance ton quoi ». À 22 annés, la Belge fait figure de sensation pop actuelle avec son premier disque, « Brol ». Une galette déjà disque d’or en France comme en Belgique. Et un succès d’autant plus intéressant qu’il touche autant les aficionados de pop et variété que les amateurs de rap de la première heure. Autopsie d’un phénomène universel qui dépasse les frontières du « genre musical ».

L’habit ne fait pas le moine et avec Angèle encore moins. D’aucuns se contenteront peut-être de son apparence de jolie petite poupée. Provoquant nos premiers émois sur les réseaux sociaux, à grands coups de reprises aux moyens techniques limités. Girl next door absolue, elle est la meilleure copine idéale voire stéréotypée. Son animal favori est la loutre, qu’elle sait d’ailleurs (plus ou moins) imiter. Elle adore partager sa divine idylle avec son petit ami, danseur. Son look, streetwear, est totalement décomplexé et à mille lieues des outfits à la féminité/sophistication exacerbée.

Angèle, un son pop irrésistible

Et que dire de ses textes, qui parlent le plus souvent de dilemmes so génération Y et Z (comme le pouvoir des réseaux sociaux). Ou d’amours mortes ou malheureuses. Le plus souvent accompagnée de tempo délicieusement efficaces, pop, jazzy ou encore reggae. (Et qui, par la force des choses, parlent au plus grand nombre). Vous l’aurez compris, Angèle et son adorable frange forment le personnage ultime de la variété francophone, à qui il est difficile de résister bien longtemps. Et pourtant, en concert, nombreux sont les mordus de rap pur et dur à faire le déplacement. C’est que la demoiselle a su, plus que leur parler, leur prouver sa crédibilité urbaine.

C’est sans doute là la plus grande force de la jeune femme. Avoir réalisé qu’entre pop et rap, variété et urbanité, les frontières sont infimes voire désormais inexistantes. Les réutilisation de beats populaires dans les morceaux de rap (appelés « sample »), prisés par Jay-Z ou Kanye West, étaient déjà un bon indice. Angèle n’ira peut-être pas jusque là (du moins pas encore), mais saura imposer sa frimousse sur la scène rap, que le public l’attende ou non.

Angèle, joker de choix pour Damso ou Roméo Elvis

Première étape : assurer les premières parties du comparse belge Damso. Un exercice guère évident comme elle l’avouera elle-même, tant la foule reste exigeante. Mais petit à petit, l’oiseau (ou la loutre, comme vous voulez) fait son nid. Elle, son humilité et ses petites chansons d’amour résistent, et gagnent le cœur des plus récalcitrants. Première incursion dans le rap game validée. Et ce n’est que le début.

Plutôt que de jouer la carte de la totale autodidacte, Angèle assume fièrement son pedigree. Issue d’une famille d’artistes, vous n’êtes pas sans savoir qu’elle est la cadette de Roméo Elvis. Elle aurait pu en rougir, balayer le lien de parenté d’un revers de la main. Que nenni. Ensemble, ils enchaînent les duos tour à tour sensibles et positifs, comme « J’ai vu » ou encore « Tout oublier ». Bien sûr, le frangin est un formidable ticket d’entrée vers une scène exigeante, souvent sujette à la critique. Grâce à lui, mais surtout à tout ce qu’elle lui apporte – des émotions, une douceur mélancolique, le duo propulse la Belge aux astres de la « street-credibily ».

Angèle, ce qu’il manquait au rap

Côté communication, elle s’assure toujours une coquette visibilité auprès des médias rap les plus côtés. Aussi, on peut la voir en interview pour des médias comme Mademoizelle tantôt. Puis pour OKLM ou Skyrock, radio historique du genre musical où, il faut l’admettre, elle en a bluffé plus d’un. En effet, compliqué il est d’être passé à côté de ses passages dans l’émission « Planète Rap ». Où elle nous a notamment ensorcelé auprès de son frère Roméo Elvis en reprenant « Victimes de la mode ». Tube d’un autre grand rappeur s’il en est, à savoir MC Solaar. Les auditeurs qui ne la connaissaient pas encore tombent se pâment alors pour son timbre d’enfant, à la fois chevrotant et mystérieux.

C’est un fait : sa présence, sa voix s’accordent parfaitement aux tons plus durs des rappeurs qu’elle aime accompagner. Elle impose sa patte, son harmonie dans des sons belliqueux qui pourraient peut-être trop cogner sans elle. Ainsi que son phrasé, si particulier, qui évoque à bien des égards des muses comme Vanessa Paradis ou Jane Birkin. Même si beaucoup préfèrent la comparer à la jeune Billie Eilish. Vous l’aurez compris, l’auteure de ces lignes est totalement sous le charme de la Belge, qui a su lui faire réécouter le rap francophone d’une nouvelle oreille. Rien que pour cela, chapeau miss Van Laeken.

Mélissa Chevreuil

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