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Students Challenge 2013 : Jour 8 – Etape 4 – première journée marathon

Transversale est-ouest. Marathon. Road book. Mars. Isolement. Dispersion. Regroupement. Vous vous demandez sûrement pourquoi cette sommaire liste de mots pour entamer mon rendez-vous quotidien avec vous. Rassurez-vous, je ne vous laisserai guère longtemps dans l’expectative

Mais je veux commencer par la course. Car c’est, qu’on le veuille ou non, sur ce concept, cette idée fédératrice, que chacun est réuni ici. Même si certains l’occultent, consciemment ou inconsciemment. Par soif de vent et de planning personnel ou par pérégrinations et circonvolutions intérieures.
Aussi, voici, à l’issue de l’étape 3, et sans plus tarder, le classement général des raiders.
Les 3 premiers se sont titillés un bout de temps avant de trouver leur place.

Et les voilà :
En tête, exæquo, Anthony et Hélène HONORE, équipage 165, et Edouard PROFFIT et Heloïse FROT, équipage 214, avec tout deux 167 points de pénalité.
En troisième position, Fabrice et Dominique LARVOR, equipage 177 avec 187 pénalités..
L’amplitude des pénalités figure bien les disparités qui honorent les meneurs –provisoire ?-,. Cette amplitude est éloquente.
Bien entendu, ceux ayant cumulé le plus de pénalités peuvent avoir rencontré des pannes mécaniques, avoir subi des enlisements trop longs à dénouer, s’être égaré, essuyé divers revers… Tant de péripéties peuvent survenir sur le Students Challenge. Et on y vient avant tout pour ça…
Mais nous ne sommes pas dans un univers philosophique. Enfin pas que…
Nous sommes dans une course.
Il faut des gagnants.

J’ai fait la part belle, ces derniers jours, à ce souffle de liberté qui pousse les uns et les autres à vivre LEUR raid, seuls ou en groupes, la tête dans les étoiles ou droit devant le soleil.
Il est cependant plus que légitime de rendre aux leaders le résultat de leurs efforts, de leurs stratégies, de leurs disciplines diverses et controlées. Respectées.
Aussi, à l’heure où rien n’est encore gagné car la suite de la course va immanquablement inciter des outsiders à se défoncer encore plus, je dis bravo.
(Cependant, j’ai vraiment envie de mettre ma patte personnelle sur ce sujet car, je vous l’avoue, nous pensons tous au fond de nous, de manière sincère, qu’arriver le dernier de la compétition ne veut pas dire être le dernier de l’aventure.)

Je disais donc transversale est-ouest. Marathon. Road book. Mars. Isolement. Dispersion. Regroupement.
Parce que c’est une édition d’étape spéciale qui a commencé ce matin. En effet, nous sommes sur une épreuve marathon qui va nous conduire de Erfoud à Ouarzazate, sur 2 jours, en bivouac sauvage mais contrôlé ce soir et sur une transversale est-ouest, au milieu approximatif de la trajectoire.
Et ce n’est pas rien ! Je dis peut être cela parce que je suis en train d’écrire cet opus en plein milieu du désert, sur la seule batterie de mon ordinateur portable, une voûte céleste fantastique au dessus de la tête, adossé à une dune qui me tend sa plume pour écrire un mot.

Ce n’est pas rien car quitter toute civilisation pendant 48 heures, sans connexion d’aucune sorte que ce soit, sans réseau ni signe ostentatoire de civilisation technologique, presque sans âme qui vive que les notres… Toutes ces choses qui ont accaparé jusqu’à la légitimité de notre statut de mammifère, relève de l’expérimentation extrème. Ironie des temps modernes.

Vous me suivez mieux ?
Oui oui, j’arrive pour les autres termes.
La fleur au fusil, comme les poilus de 1914 mais en cohorte pacifique, nos concurrents sont partis ce matin.
J’ai en tête le hochement encore endormi de Matthieu TRICOT et Cédric MOISSET, equipage 200, quand nous les avons doublé, très vite après Erfoud.
Je revis encore le sourire teinté d’émotions que m’a occasionné, pour la énième fois, la voiture 201 de Valentin et Anthony DESBOURDIER aux couleurs vertes du Students Challenge. Celle de l’espoir non ?

Nous arrivons sur un paysage qui m’évoque ce que je me suis toujours imaginé des récits de Ray Bradbury dans ses “chroniques martiennes”.
D’incroyables anciennes mers plates asséchées et jonchées, à perte de vue, de petits galets plats, noirs et bruns, comme une plage à perte de vue que surplomberaient de vénérables monts, presque des falaises qui semblent guider nos routes, les surveiller. Les accompagner.

Il va faire chaud aujourd’hui encore et ce magnifique printemps précoce est un gage supplémentaire de joie pour tous les participants.
Nous arrivons dans un ancestral fort en pisé où je m’imagine les batailles et les siéges les plus coriaces. De ces places fortes sur lesquelles on imagine Liautey professer. Ne s’y trompant pas non plus, nombre de nos ouailles s’y rejoignent et s’y posent.
J’en profite pour aller, comme chaque jour, chercher ma dose de vécu, d’expérience. Et j’avoue que c’est mon carburant à moi, ma course personnelle car ces jeunes sont tous aussi intéressants et sympas les uns que les autres. Dommage qu’ils me posent souvent des questions de mécanique ou des colles sur des sujets propres à l’organisation, moi qui suis leur journaliste. Simplement une plume.
Je vois, hélas, repartir Anthony et Hélène HONORE, équipage 165, dans une trombe de poussières qui ne laisse d’eux qu’une belle trainee de pneus sur le sol. Bonne route, éclatez-vous !

Alors je me dirige vers Edouard PROFFIT et Heloïse FROT, équipage 214, et leur Ford Escort vintagissime et bleue marine. Ils sont en bonne position de la course. Et, eux, ils sont là pour concourir ! Edouard bricole des R4 depuis des années mais Madame (Héloïse. Ndlr), moyennement emballée, a choisi l’Escort pour le Student Challenge. Compétiteurs avertis, ils en profitent quand même pour rouler en groupe.
Bien impatient de reprendre les sentiers non battus, ils prennent vite congé. Ils ont une course à gagner quoi !
Je salue alors Thibaut PRZYBYLSKI et Adrien BALCEREK, équipage 104 qui, et oui, ça ne s’invente pas, roulent en 104. Je ne me souviens même pas depuis quand je n’ai pas revu ce mythique modèle de Peugeot qui a, pourtant, bercé les 2 première décades de ma vie.

Je peaufine mes notes, je respire un peu de poussière et puis je me dirige vers Rémi et Benoît LABOUISE, équipage 108. Je les ai vu pétaradants depuis le début de la course mais je les trouve un peu abattus ce matin. Rien de grave me confient-ils. Un petit coup de fatigue.
Ces coups de fatigues arrivent très souvent sur des évènements tels que celui-ci. Car, d’où qu’elle vienne, Dame Adrénaline est la grande prêtresse des lieux.
Nous décidons qu’il est temps de reprendre notre route. Dans la voiture, un caméraman et un journaliste (votre serviteur). Au Volant, les meilleurs experts en pilotage tout terrain que les sols ardus aient jamais affronté.
Les monts éloignés s’enfilent les uns après les autres, les arbres rares et faméliques donnent une vision surréaliste du paysage, une vision d’Afrique pure sous un soleil devenu tannant.

Benjamin SESE et Valentin BENOIT, équipage 250, ne se connaissaient pas avant le raid. Ils y parviennent, sur le tas, apprenant l’un de l’autre et partageant leurs complémentarités. Quand je les découvre, en plein centre de ce “rien d’autre que des cailloux et du sable sous un soleil de plomb”, un cardan brisé, l’épaule gauche de la voiture désossée, l’agacement pourrait vite arriver. Ils choisissent d’unir leurs énergies pour régler la panne. Tous seuls.
Nous roulons à nouveau. Les colonnes de poussière que nous apercevons au loin, au près, nous font bien sentir que nous sommes là où le parcours doit se passer.

Je rencontre Gautier NICKEL et Vincent BALESTRERI, équipage 240. Ils ont choisi un Renault express pour sa capacité de transport. J’aime la satisfaction qu’ils expriment d’avoir aussi choisi ce véhicule pour pouvoir ramener des fournitures à offrir à des associations locales.
La vie dans le grand sud marocain est, pour le novice mais tout autant pour le visiteur de retour ici, source de stupeur. Ancestral et authentique et diamétralement à l’opposé des modes de vie occidentaux. Ici, on vit dans des habitations sommaires à l’architecture pittoresque en pisé, on creuse le sol pour y aménager des kanouns (variété de barbecue) où on cuisine des tagines, on mange avec un morceau de pain dans la main en guise de fourchette, on a le visage très couvert pour parer aux fréquentes tempêtes de sable, on se contente de peu. Pas d’épicerie, pas de café. Pas de fils électriques, pas de téléphone.
Pas de voiture. On roule à bicyclette si on en possède mais on marche le plus souvent ou on regagne la route nationale à 4 kilomètres de là à travers reg ou erg pour prendre le bus qui passé tous les 2 jours.
On vit de ce que la nature offre, on charrie ce que le dromadaire peut transporter, on s’est, depuis des lustres, habitué à vivre en harmonie avec son biotope.

Et ce n’est pas parce qu’on se vêt de guenilles qu’on est forcément pauvre. Delphine DURANCON et Hervé GUILLON, équipage 130, que je rencontre au croisement de deux pistes me racontent leur histoire ahurissante. Ils ont pu financer leur participation en trouvant, dans le conteneur poubelle en bas de chez eux, un stock de 100 figurines des Chevaliers du Zodiaque. Ils les ont récupéré et les ont vendus sur E-bay. Et les voilà ici. Nous plaisantons sur cette incroyable ironie du sort.

Lire un road book n’est pas forcément chose aisée. Road, “route” en anglais et book, “livre” en anglais. Ai-je besoin de préciser qu’il s’agit du livre de route ?… En d’autres termes, du parcours écrit. Ecrits en schémas, en chiffres, très peu d’écriture.
Ici, il se lit de bas en haut en tournant les pages vers la gauche.
La moindre erreur, la moindre inattention et c’est l’égarement.
De vous à moi, pas si simple que ça de lire cette carte décortiquée en cases distinctes.
De plus, rouler en groupe est un mode de fonctionnement adopté par bon nombre de raiders. Nous l’avons déjà vu.

Mais, quand on se trompe à la lecture du road book et qu’on roule en groupe, c’est la totalité du groupe qui se perd.
Aujourd’hui, l’erreur de lecture la plus souvent commise a conduit les malheureux dans une mer de sable où nous avons dû batailler pour aider sans renseigner (c’est interdit par le règlement), observer sans assister, nos braves concurrents très largement tankés dans un sable traitre comme un Judas. Et je vous assure que même les plus aguerris d’entre eux ont été piégés.

Je ne suis pas de ceux qui se réjouissent des affres des autres mais ce nouveau triangle des Bermudes du jour m’a donné l’occasion de croiser Armand GAILLET et Sylvain DESCHAMPS, équipage 188. Pas des compétiteurs intégristes mais néanmoins bien concernés par le classement. Ils achètent des bougies à tour de bras et ont fini par en conserver un gros stock à demeure dans la voiture. Ils veulent être dans le top 20 mais s’inquiètent du temps passé à la mécanique.

Il est, de plus, temps de rejoindre le bivouac. Le bivouac sauvage. Le bivouac sécurisé quand même. Le bivouac que tous les raiders attendent depuis des jours. Plus encore, leur bivouac de la liberté, de la course qui va toucher à sa fin. Les dernières heures avant le final. Mais les premières heures de leurs liens forts, établis et indétrônables.
Mais hors de question d’y accéder si l’intégralité des participants n’a pas été recencée et estimée sur la bonne voie ou entre de bonnes mains.
Commence alors un vrai travail de berger. Et cette allusion est empreinte de beauté.
Les appels satellites entre les véhicules de contrôles se multiplient, s’intensifient. Le comptage des véhicules est minutieux, scrupuleux. Nous allons les chercher où qu’ils soient, les attendons où que nous nous trouvions.
Il nous faut bien 3 heures avant de glaner la totalité de nos participants dont certains étaient totalement isolé et en fausse route car l’aire de jeux est très vaste.

Mais, une fois cette primordiale tâche accomplie, c’est à une centaine de mètres d’eux que l’équipe d’organisation s’installe. Nous voulons les laisser entre-eux.
Mais nous voulons être parés à intervenir à la moindre anicroche.

Quelques pas entre les tentes des challengers. Quelques questions ci, là, sur les ressentis des unes et les ressentis des autres à propos de cette exceptionnelle mouture du Students Challenge 2013. Je suis contraint de vite abandonner mon enquête, si amicale soit elle car, fatigue et excitation des campeurs aidant, je n’obtiens que des termes dithyrambiques monosyllabiques qui, somme toute, ne me donnent d’autre envie que de constater l’écrasante plénitude générale.
Je les laisse donc à leur félicité affichée, à leur lune presque pleine, leurs tirs de feux d’artifice, leurs grillades de marshmallows et leurs délires qui, entre nous, ne regardent qu’eux et c‘est bien normal.
Leur nuit est magique et le restera à jamais. Comme ces instants qui déterminent des vies, enclenchent des vocations ou assoient des personnalités.
Personne ne restera insensible à ça. Moi non plus d’ailleurs. Je veux des lunes avec eux, des soleils à les questionner.

Je connais le raid “bip” et puis je connais aussi le challenge “bip II”. Ah oui, j’allais oublier le rallye “bip III”.
Ils me l’ont tous confirmé.
Aucun n’équivaut le Students Challenge.
Pour son intimité et son initiation à la vie. Pour sa douceur de délire et son organisation incroyable.
Mais, surtout, et définitivement, pour ce petit quelque chose en plus, impalpable, qui rend perplexe et exultant.
Ce petit quelque chose que je tente tant de vous faire partager, chaque soir, depuis que je suis là, avec eux, avec vous, pour la première fois.
Et la première fois, jamais rien ne la remplace ni ne l’annule.

Retrouvez le Students Challenge en image : https://www.studentschallenge.com/fr/le-raid-2013-en-direct/en-images/
ou sur le live : https://www.studentschallenge.com/fr/le-raid-2013-en-direct/resume-detape/

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