Campus
Partager sur

Rentrée 2017: la sélection à l’université est-elle une réelle solution ?

La sélection à l'université est-elle la solution ? Pour Catherine Morin-Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime, elle existe déjà.

La sélection à l’université est le débat de cette Rentrée 2017 mais c’est surtout un grand flou pour les étudiants. Plus de tirage au sort, instauration de prérequis, qu’en est-il réellement ? Catherine Morin Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime et présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication au Sénat est venue sur le plateau de MCE pour nous en dire plus.

MCE: Dans un de vos communiqués vous appelez à en finir avec l’hypocrisie de la sélection. Qu’est-ce que vous entendez par là ?

Catherine Morin-Desailly: Depuis de très nombreuses années, on va dire depuis une trentaine d’années, on est incapables d’aborder cette question toute simple qui est celle de la réussite des élèves. C’est-à-dire réussite dans leurs études, leurs formations et leur capacité à s’insérer professionnellement. On est incapable d’aborder cette question de savoir qui va à l’université, pour quoi faire, pour quel débouché.

Au sein de notre commission ça fait des années qu’on alerte, qu’on dit qu’il va falloir travailler cette question. Alors appelons-le comme on veut. Prérequis comme le dit la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Appelons ça orientation, appelons ça sélection. C’est en réalité la question de savoir comment on aborde l’Enseignement Supérieur en France pour que les étudiants puissent réussir.

MCE: La ministre de l’Enseignement Supérieur, Frédérique Vidal, essaie d’instaurer un système de prérequis. Qu’est-ce que c’est ?

Catherine Morin-Desailly: Les prérequis c’est un niveau, un ensemble de notes par exemple. C’est un dossier scolaire tout simplement. C’est déjà une sélection si on appelle un chat un chat. Moi j’attire votre attention sur le fait que la crise qui est survenue cet été couvait depuis longtemps. Nous avions alerté Thierry Mandon sur cette injustice, ce scandale, qu’il y avait à sélectionner les élèves, vu le nombre restreint de places à l’université et face à la pression démographique. On avait dit que APB est un absolu scandale puisque c’est un algorithme qui sélectionne arbitrairement les étudiants qui pourront accéder à telle ou telle formation.

Ce qui s’est passé c’est donc que 56 000 étudiants se sont retrouvés, soit l’équivalent de deux universités, obligés de passer par ce parcours de l’APB. Et au bout du compte, au mois de juin, un très grand nombre d’entre eux se sont retrouvés en rade. Les étudiants sont le plus souvent mal orientés, en tout cas pas en fonction de leurs besoins et de leurs projets professionnels.

MCE: Ce n’est pas un peu contradictoire de limiter les places à l’université alors que de plus en plus de personnes vont s’inscrire sur APB. On le voit notamment avec le baby-boom des années 1990.

Catherine Morin-Desailly: Ce n’est pas limiter le nombre de places à l’université. C’est dans le droit à l’éducation. C’est plutôt que les étudiants aient conscience de ce qui les attend, dans quelle formation ils s’engagent, pour quel métier demain. De toute façon, l’Enseignement Supérieur en France est déjà sélectif si on emploie le mot sélection. Plus de 50% des étudiants rejoignent soit des classes préparatoires, soit des écoles d’ingénieurs, soit des IUT, soit des BTS.

Tous ces systèmes sont déjà sélectifs, soit sur concours, soit sur dossier. Et d’ailleurs, quand on fait une étude sociologique sur d’où viennent ces étudiants, on s’aperçoit qu’il y a déjà une sélection sociale. De par le métier de leurs parents, on voit bien que ceux qui vont à l’université ce sont souvent des étudiants dont les parents sont de professions intermédiaires, ouvriers. Cette sélection est donc déjà sociale. Ceux qui ont la capacité d’être informés des bonnes filières, des bons concours à passer, des bons dossiers à envoyer etc.

MCE: Est-ce que la vraie réforme à faire ne serait donc pas au lycée ou même au collège pour éviter ce problème ?

Catherine Morin-Desailly: C’est un travail de fond parce qu’en France nous avons un système de l’orientation qui fonctionne très mal. C’est dès le collège qu’il faut se poser la question de l’orientation. Mais celle-ci se fait toujours par l’échec. On envoie les enfants en apprentissage, on les envoie en filière professionnelle parce qu’on considère que ce n’est pas la voie d’excellence. C’est ce qui se dit dans les conseils de classe. C’est toujours par la case échec qu’on oriente les élèves.

Il faut inverser la tendance et se dire plutôt quels sont les métiers qui me conduisent vers la réussite, mon épanouissement personnel. Et ainsi je trouverai un véritable emploi. Par exemple, nous en Normandie, on voudrait doubler le nombre d’apprentissage d’ici quelques années parce que c’est une voie de l’excellence. Donc il faut que dès le collège chaque jeune soit orienté en fonction de ses désirs, en fonction de ses besoins propres aussi.

Mais aussi en fonction de la réalité du monde du travail. Ça ne sert à rien de former des jeunes s’ils ne trouvent pas de travail. Et que ce parcours soit beaucoup plus balisé avec des adultes référents, des commissions compétentes, des journées d’informations vraiment utiles. Voire des stages au sein des entreprises.

MCE: La mauvaise orientation c’est donc plus un manque d’informations ?

Catherine Morin-Desailly: Manque d’information, manque d’accompagnement. Formulation d’une exigence par rapport aux étudiants. C’est-à-dire qu’ils soient réellement informés des prérequis qu’il faut. Qu’ils soient aussi informés des conditions des études. Parfois ils arrivent à l’université ils sont un petit peu perdus. En tout cas ce qu’il faut c’est que nous construisions un système de formation qui garantisse à chaque étudiant sa réussite. C’est l’échec qui est un véritable scandale.

Afficher +