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Retrouvez l’interview inédite de la présidente de l’UPS Sylvie Bonnet

L'UPS réagit face aux menaces de fermetures des classes préparatoires d'Aix-Marseille

Quelles sont les vues de la présidente de la principale formation syndicale des enseignants de CPGE (UPS) sur la trajectoire suivies ces dernières années par les classes prépas en France ? Eléments de réponse sur Ma Chaîne Etudiante

Entretien avec Madame Sylvie Bonnet, Présidente de l’Union des Professeurs des classes préparatoires Scientifiques (UPS) et professeur au Lycée Victor Hugo à Besançon. Elle revient sur une année 2013-2014 chargée en rebondissements notamment dus aux réformes engagées par le MESR : la réforme du lycée, la loi ESR ainsi que l’introduction de l’enseignement informatique et le regain d’affection des étudiants pour les filières à dominante physique.

En juin 2013, vous disiez que tout était prêt pour accueillir les nouveaux bacheliers issus de la réforme du lycée en classe préparatoire scientifique. Après une première année d’observation, quel bilan tirez-vous de la réforme ?

Les nouveaux programmes de première année de classe préparatoire ont permis de bien accueillir ces nouveaux bacheliers et de les faire entrer avec succès dans l’enseignement supérieur scientifique. Au prix d’un énorme investissement des professeurs en termes de formation, l’année s’est bien déroulée. Pourtant, il y avait un cap à passer. L’enseignement des disciplines scientifiques en filière S n’est pas à proprement parler un enseignement scientifique. On y parle des sciences, mais on n’acquiert pas les fondamentaux de la démarche scientifique. On y fait peu de démonstrations, et l’enseignement de la physique et de la chimie est totalement coupé des outils mathématiques qui permettent la modélisation des phénomènes.

De ce point de vue, les premiers contacts avec l’enseignement de la physique et de la chimie en classe préparatoire sont une révélation pour les étudiants, qui peuvent faire le lien entre les différentes composantes de l’enseignement scientifique et découvrent une cohérence qui manque à l’enseignement des sciences au lycée. Mais nous avons malheureusement constaté une aggravation des disparités entre établissements d’origine. La souplesse autorisée par la réforme du lycée fait que dans certains lycées, on prépare mieux à l’enseignement supérieur qu’ailleurs, en consacrant davantage d’heures aux approfondissements.

L’avantage qu’en retirent les élèves est manifeste, non pas parce qu’ils auraient des connaissances supplémentaires en arrivant, car les connaissances nécessaires leur sont apportées en classe préparatoire, mais surtout parce qu’ils ont eu une véritable approche des sciences, plus structurée, et que les apprentissages nouveaux trouvent un terrain propice et sont mieux assimilés. En faisant ce constat très alarmant pour la question de l’égalité des chances, nous savons que nous allons avoir de la peine à nous faire entendre. Il semble qu’il soit plus facile pour le ministère de constater qu’on a pu réparer les dégâts causés par la réforme du lycée pour quelques centaines d’étudiants, que de se pencher sérieusement sur les besoins en formation scientifique à l’échelle du pays.

Vous pointiez une désaffection nette pour les filières à dominante physique, en juin dernier. Est-ce que cette tendance est confirmée en 2014 ?

La désaffection était très nette pour la session 2013, avec une baisse de 15 % des premiers vœux en filière PCSI. Elle a été corroborée à la rentrée 2013 par les enquêtes que nous avons faites auprès de nos nouveaux étudiants : beaucoup s’étaient retrouvés en Physique, Chimie et Sciences industrielles (PCSI) par défaut, parce qu’ils n’avaient pas été pris dans d’autres filières.

A cette session 2014, les premiers vœux en PCSI ont sensiblement augmenté, sans toutefois retrouver la hauteur des sessions 2012 et avant. C’est le signe que notre message est bien passé auprès des élèves de terminale S. La physique et la chimie enseignées dans le supérieur sont beaucoup plus intéressantes que ne le laisse penser l’image dégradée qu’en donnent les programmes de première et terminale S.

A la rentrée 2013, on introduisait l’enseignement de l’informatique pour tous les étudiants de classes préparatoires scientifiques. Pourtant, en France, nous n’avons pas de professeurs d’informatique dans les lycées. Comment cela s’est-il passé ?

Le défi a été relevé, mais là aussi, il a fallu un énorme investissement des professeurs de classes préparatoires qui se sont formés seuls à cet enseignement. Depuis le printemps 2013, les grandes écoles ont offert des stages en très grand nombre. Ces stages ont permis aux enseignants de démarrer leur formation, et leur ont donné des pistes et des références pour la poursuivre.

Un tel effort était indispensable à la réussite de l’introduction de cet enseignement, mais on ne peut pas demander aux professeurs de maintenir ce rythme à long terme. Certains font l’équivalent de deux métiers, avec des horaires correspondant à deux postes à temps plein. Ce n’est pas raisonnable. Nous ne pourrons soutenir cet effort que si le ministère engage un vrai plan de formation et de recrutement de professeurs d’informatique au lycée pour prendre la relève des enseignants actuellement
en surcharge.

La loi ESR votée au printemps 2013 faisait obligation aux lycées à classes préparatoires de signer des conventions avec des Etablissement Public à Caractère Scientifique, Culturel et Professionnel (EPCSCP). Ces conventions sont-elles signées ? En quoi l’enseignement en classe préparatoire va-t-il s’en trouver modifié ?

Les bacheliers 2014 ne seront pas concernés quand ils entreront en classes préparatoires à la rentrée prochaine. Ces conventions seront signées vraisemblablement à l’automne 2014, et prendront effet à la rentrée 2015. Elles sont en phase de négociation, et pour l’instant, ce sont les recteurs d’académie qui sont à la manœuvre.

Les professeurs n’ont été ni consultés, ni associés aux discussions de définition des cadres de ces conventions au niveau des différentes académies, pas plus du côté classes préparatoires que du côté universités. On peut le regretter.

Si ces conventions peuvent amener un plus dans la formation des étudiants, qui mieux que les professeurs peut définir les leviers d’action ?

Les professeurs sont sur le terrain, ils mesurent les besoins de leurs étudiants, et ils sont au contact des grandes écoles et bien au fait de leurs attentes en termes de formation initiale des futurs étudiants. Pour les futurs étudiants de classes préparatoires, ces conventions ne doivent avoir que des effets positifs, essentiellement sur la fluidité des parcours, et pour une meilleure lisibilité des cursus. Les classes préparatoires n’y perdront pas leur âme, ni leur efficacité.

Si vous aviez un vœu à formuler pour les classes préparatoires, quel serait-il ?

J’ai un vœu à faire : sortir de l’ambiguïté. A tous points de vue. L’ambiguïté de la posture institutionnelle, tout d’abord. Les différents acteurs institutionnels reconnaissent que les classes préparatoires fonctionnent bien, qu’elles absorbent remarquablement les réformes et les évolutions. Pourquoi les mettre en permanence sur la sellette ? L’ambiguïté du pilotage aussi. Nous avons mis en place à la rentrée 2013 une réforme pilotée jusqu’en juin 2013 par le MESR avec, à compter de septembre 2013, les moyens du MEN…

Il se trouve que nous avons depuis peu un ministère unique pour l’Éducation Nationale et l’Enseignement Supérieur, qui pourrait participer à la réalisation de ce vœu. Mais pour pérenniser cette disposition, j’appelle de mes vœux la création d’un collège national des classes préparatoires, qui serait garant de l’équité territoriale des formations, de la cohérence globale de l’évolution de la carte scolaire des classes préparatoires, et qui serait porteur d’une compétence scientifique et pédagogique pour exercer une veille sur les programmes et sur l’évolution des concours. Je suis partante pour poser la première pierre.

A propos de l’UPS

L’Union des Professeurs de classes préparatoires Scientifiques (UPS, anciennement l’Union des Professeurs de Spéciales) est une association « loi de 1901 » créée en 1927. Elle regroupe actuellement 2700 de membres, soit la quasi-totalité (plus de 90%) des professeurs de chimie, mathématiques et physique des classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques (hormis les BCPST et les TB).

L’UPS milite pour une CPGE scientifique qui correspond à : une formation fondamentale pluridisciplinaire (mathématiques, physique, chimie, informatique, sciences industrielles mais aussi lettres et langues vivantes) avec des contenus ambitieux, permettant de développer des compétences fondées sur le travail, la rigueur scientifique et la démonstration ; une préparation post-bac en deux ans, relevant du service public d’éducation, à l’ensemble des Grandes écoles via des concours anonymes basés sur des programmes nationaux ; un suivi personnalisé s’appuyant notamment sur des évaluations fréquentes, écrites, orales et pratiques ; une procédure de recrutement sélective et transparente des étudiants ; pour chacune des disciplines scientifiques, un enseignant unique par classe, assurant les cours et les travaux en groupes réduits ; des professeurs possédant un haut niveau de compétences (tous reçus au concours d’agrégation, souvent docteurs) dont la carrière est gérée de manière nationale (nominations, mutations, inspections). Plus d’informations : https://prepas.org. Suivez l’actualité de l’UPS : https://www.facebook.com/PrepasUPS; Twitter : @Prepas_UPS.

Communiqué

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