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Najat Vallaud-Belkacem : découvrez son discours sur la mobilisation de l’école pour les valeurs de la République 1/2

Najat Vallaud-Belkacem : découvrez son discours sur la mobilisation de l'école pour les valeurs de la République

Najat Vallaud-Belkacem a pris la parole ce mardi. Découvrez la 1ère partie de son discours pour la mobilisation de l'école pour les valeurs de la République

Découvrez le discours de Najat Vallaud-Belkacem :

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames et Messieurs les recteurs d’académie et vice recteurs,
Monsieur le doyen de l’Inspection générale de l’éducation nationale,
Monsieur le chef du service de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche,
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames les directeurs généraux et directeurs
Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux d’académie, Mesdames et Messieurs les inspecteurs d’académie, Mesdames et Messieurs les inspecteurs d’académie adjoints, Mesdames, Messieurs,

Notre pays vit une situation d’une gravité exceptionnelle et je veux en notre nom à tous vous remercier de votre présence monsieur le premier ministre et témoigner de l’émotion et de la solidarité de l’ensemble de la communauté éducative vis-à-vis des victimes, de leurs proches, en pensant à chacun et à chacune d’entre eux : journalistes et dessinateurs de presse, policiers, concitoyens de confession juive.

Les attentats barbares ont frappé le cœur de notre République en visant ses valeurs essentielles. Ils ont suscité en réaction la réponse déterminée de toutes les forces du pays et de l’immense majorité de nos concitoyens qui ont manifesté de manière éclatante leur attachement à la Liberté, l’Egalité, la Fraternité, qui ont soutenu la force du droit, les policiers et gendarmes qui garantissent l’exercice de nos libertés fondamentales, et refusé la logique de peur de l’obscurantisme en revendiquant avec force l’appartenance de tous, quelles que soient les origines, les cultures ou les croyances, à la communauté nationale.

Il nous appartient maintenant de prolonger cette réaction, de transformer l’émotion en force d’action, car ce défi appelle des réponses de fond, durables et à la hauteur des enjeux.
Il nous revient d’opposer nos valeurs à la violence, au moyen en particulier de « l’arme la plus puissante pour changer le monde », selon la belle formule de Nelson Mandela : l’éducation.
Nous devons aussi avoir collectivement le courage, en refusant la facilité polémique, d’analyser la situation en face, de décrire les dérives qui ont fragilisé le projet républicain, y compris à l’école.

Oui, la forme de délitement du lien social au cours des trente dernières années de crise économique et sociale n’a pas épargné l’école.
Oui, le sentiment de désespérance, l’accroissement des inégalités et de la prévalence du déterminisme social, l’incapacité collective à prévenir le décrochage scolaire endémique d’une partie de notre jeunesse, ont entamé la mission d’égalité de l’école.

Oui, les discriminations, l’écart entre les valeurs affichées et les réalités vécues, les replis identitaires, les velléités communautaristes, les logiques d’entre soi ont parfois affaibli son ambition de fraternité. Comment transmettre le vivre-ensemble quand les élèves ne font plus l’expérience de la mixité sociale au sein des écoles et des établissements ? La remise en cause de la place de l’école dans la société, une forme de relativisme ambiant ont contribué à une perte de repères plus globale, interrogeant le sens de l’engagement de la communauté éducative et de ses personnels.

Ces constats ne sont pas nouveaux, qui interrogent la place et les missions de l’école dans le projet républicain. L’école est loin d’en être seule responsable. Elle n’est ni la cause de tous les maux, ni le remède à toutes les difficultés de la société. Elle subit des évolutions sociales et sociétales plus larges tout en cristallisant trop souvent leurs enjeux. Mais de la même manière que l’école n’a pas été étanche aux dérives de notre société, elle doit être un levier d’un redressement collectif qui excède son intervention.

Evidemment, nous n’avons pas attendu les évènements dramatiques des derniers jours pour poser ces constats et y apporter des réponses : l’enjeu de la refondation de l’école est tout entier là, dans ce double défi de rétablir la performance du système éducatif, en assurant la réussite du plus grand nombre et en luttant contre le déterminisme social, et de rendre à l’école sa mission et sa place de vivier de citoyenneté, capable de former des citoyens éclairés, de transmettre et de faire partager les valeurs de la République. L’école est forte quand elle est capable de relever ces défis éducatifs, scolaires et citoyens.

Ces événements tragiques confirment, s’il en était nécessaire, la justesse des ambitions portées par la loi du 8 juillet 2013 de refondation de l’Ecole de la République.
La première de ces ambitions, c’est l’élévation du niveau de connaissances, de compétences et de culture. Les connaissances sont la première arme pour combattre l’obscurantisme. La deuxième de ces ambitions, c’est la réduction des inégalités sociales et territoriales qui fracturent la société française. La troisième de ces ambitions, c’est de mettre l’école en première ligne de la construction de la cohésion sociale et du lien civique.
Beaucoup a déjà été fait.

La refondation de l’école a rétabli une formation initiale ambitieuse – qui intègre la laïcité dans son tronc commun – pour l’ensemble de nos futurs enseignants. La réforme des rythmes scolaires a veillé à améliorer les apprentissages et développer l’accès de tous à l’éducation populaire. Le renouvellement de l’éducation prioritaire permet de répondre aux besoins criants de certains territoires avec une pédagogie adaptée et des moyens supplémentaires importants. Le renforcement de la lutte contre le décrochage et l’amélioration de l’orientation ont plus que jamais pour objet de ne laisser aucun jeune aux portes d’une société du diplôme et de la qualification. J’attends que de vous mesdames et messieurs les recteurs que vous veilliez avec la plus grande exigence au déploiement de chacune de ces mesures dans vos académies, en associant les partenaires que sont en particulier les collectivités locales et en donnant vie a ce droit au retour en formation jusqu’à l’âge de 25 ans qui n’est rien d’autre que le refus de la résignation a l’absence totale de perspectives pour des centaines de milliers de jeunes.

Je souhaite également que nous portions une attention particulière à l’enseignement en milieu pénitentiaire et dans les centres éducatifs fermés, qui sont des enjeux majeurs pour l’éducation nationale et pour la République. Les personnels de direction de l’éducation nationale et les enseignants sont présents dans l’ensemble des structures judiciaires, établissements pour mineurs, quartiers pour mineurs, centres éducatifs fermes. Au-delà des priorités qui y sont données a la lutte contre l’illettrisme l’analphabétisme et l’apprentissage du français, je souhaite que l’accent soit mis sur l’accès a un premier diplôme dont nous savons à quel point il peut changer l’image qu’un jeune se fait de lui même de son avenir et de la société.

Pour demain, la refondation a déjà engagé l’élaboration du nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture, la rédaction de nouveaux programmes de l’école maternelle au collège, une évolution de l’évaluation des élèves, une réforme ambitieuse du collège qui sera prochainement annoncée. Avec l’ensemble de ces réformes et la nouvelle allocation progressive des moyens aux établissements en fonction de leurs difficultés sociales, je suis convaincue que nous allons relever le défi de la réussite scolaire du plus grand nombre.

Mais outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de transmettre et de faire partager aux élèves les valeurs et principes de la République, et notamment le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Depuis la rentrée 2013, la Charte de la laïcité à l’école est apposée dans toutes les écoles et établissements de France et doit être présentée chaque année aux élèves, mais aussi aux parents. L’ambition nouvelle et forte est de développer la pédagogie de la laïcité car aucune valeur ne se contemple. Elle se discute, elle se DEBAT, elle s’expérimente. Et pour cela il faut de la formation initiale et continue, un soutien effectif aux équipes éducatives grâce au réseau des correspondants laïcité, et des contenus pédagogiques renouvelés.

Nous mesurons tous, et les organisations syndicales l’ont souligné hier lors de la première journée de la grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République, l’enjeu de mieux former les personnels éducatifs en formation initiale – avec les ESPE – comme en formation continue. Les moyens de la formation continue, dont ceux dédiés à la formation présentielle, sur site – et j’insiste sur ce dernier point –, seront renforcés. Et je vous demande d’y veiller, chacun à votre niveau.
Les enseignants ont à leur disposition, pour les aider et les outiller dans leurs pratiques de classe, sur leurs sites de référence, des outils pédagogiques pour travailler et réfléchir avec les élèves sur les droits de l’homme, la liberté d’expression, la liberté de la presse, la démocratie. Cet automne encore, de nouvelles ressources adaptées aux différents niveaux scolaires, mais surtout de nouveaux parcours de formation continue (notamment en matière d’enseignement laïc des faits religieux) ont été engagés sur la plateforme m@gistere, des ressources vidéos pour les enseignants et un livret sont en préparation à l’attention de tous les directeurs d’école et chefs d’établissements, et consultables par les équipes éducatives. Il rassemblera les contenus pédagogiques essentiels (textes, charte), les liens vers les ressources de formation, des questions / réponses juridiques sur les sujets sensibles et la présentation des correspondants laïcité (rôle et contact) dont est dorénavant dotée chaque académie pour favoriser la mise en œuvre et l’appropriation de la Charte par les élèves, et soutenir les équipes éducatives au plus près des réalités de terrain.

Ces correspondants travailleront en lien permanent avec l’Observatoire de la laïcité et des centres ressources comme l’institut européen en sciences des religions, notamment pour la production de ressources qui seront disponibles au niveau académique et national.

Surtout, et comme prévu par la loi de refondation de l’école, dès la rentrée 2015 sera créé un enseignement moral et civique, dans toutes les classes : de l’école primaire à la classe de terminale et dans toutes les séries du lycée. Il intègrera de manière transversale une éducation aux médias, les problématiques de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de discriminations, les notions de droits et de devoirs, le principe de laïcité.

S’il ne s’agit bien évidemment pas de déléguer à ce seul temps d’enseignement d’une heure hebdomadaire l’ensemble des enjeux relatifs aux libertés fondamentales, à l’ouverture aux autres, et à la tolérance réciproque, la structuration d’un tel temps récurrent d’échange, de débat contradictoire, d’analyse des images, de recul et d’esprit critique est une réponse attendue par tous les acteurs face au déferlement des images et au relativisme dans lequel baignent les élèves.

On ne saurait concevoir un enseignement visant à former le futur citoyen sans le mettre en pratique dans le cadre scolaire. L’école doit permettre aux élèves de devenir acteurs de leurs choix, et de participer à la vie sociale de la classe et de l’établissement dont ils sont membres. L’esprit de coopération doit être encouragé, la responsabilité vis-à-vis d’autrui mise à l’épreuve des faits. L’enseignement moral et civique articulera les contenus enseignés et les modalités de la démocratie collégienne et lycéenne. J’y suis très attachée.

Toutes ces réformes profondes sont engagées et contribuent à notre capacité à relever le défi républicain posé à l’école comme à la société. Nous sommes dans un mouvement déjà profond, solide, ample. Mais les évènements de la semaine passée nous obligent à aller plus vite et plus loin. Comme l’a dit le Premier ministre, il doit y avoir un avant et un après, nos concitoyens ne comprendraient pas qu’un nouvel élan ne traduise pas à l’école la réaction républicaine magnifique et l’unité nationale qui se sont manifestées.

Nous avons traduit cette nécessité dans notre réaction immédiate au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo. J’ai immédiatement écrit aux personnels enseignants afin de leur manifester mon soutien dans leur difficile tâche d’éducation dans un moment très complexe où il fallait être à la disposition des élèves pour expliquer l’inexplicable, ou plutôt, déconstruire, aider à comprendre un phénomène de barbarie tout en prenant la mesure de l’immense émotion qui a traversé le pays tout entier. L’éducation nationale, les établissements d’enseignement supérieur et les laboratoires de recherche se sont mobilisés de façon exemplaire, en organisant une minute de silence en hommage aux victimes, et en répondant aux besoins d’expression des élèves, grâce entre autres aux ressources mises en place sur le site Eduscol. Je veux rendre hommage ici aux équipes des écoles et établissements à proximité immédiate de la tuerie et des lieux de prise d’otage, qui ont fait preuve d’un professionnalisme et d’un engagement exemplaire. Je tiens également à saluer le protocole d ́information particulièrement efficace mis en place dans l’académie de Paris, pour tenir au courant en direct les familles par sms et sur les réseaux sociaux.

Je demande à tous les rectorats de mettre en place des dispositifs de communication similaires pour la gestion de crise. Les parents d’élèves, ils me l’ont dit hier, sont particulièrement attachés à la rapidité de la transmission de l’information.

La difficulté pour les personnels des écoles et des établissements à gérer l’émotion face à l’innommable est établie. Cette difficulté, chacun, parents, médias, institutions, l’a ressentie. Il y a eu des incidents : une centaine a été remontée par le réseau rectoral, sans doute davantage. Tous ces incidents sont inacceptables. Ils ont fait l’objet de traitements immédiats, sous forme de dialogue éducatif et/ou de sanctions.

Communiqué

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